Coût de rénovation de la Petite Ceinture pour l’exploitation ferroviaire
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Coût de rénovation de la Petite Ceinture pour l’exploitation ferroviaire
Dans le débat sur les usages de la Petite Ceinture, beaucoup d’avis sont donnés, qu’ils soient favorables à la vocation ferroviaire de la ligne ou à l’aménagement de promenades. Mais rares sont ceux qui s’appuient sur des éléments factuels permettant d’évaluer la faisabilité des projets proposés.
Dans cet article, nous nous intéressons au coût de rénovation de la Petite Ceinture pour un usage ferroviaire. Nous examinons le coût d’un service urbain de voyageurs à partir d’une étude officielle, puis nous en extrapolons celui d’un service de transport de marchandises utilisant une voie de la Petite Ceinture.
Coût d’une ligne de tramway sur la Petite Ceinture
Dans une étude de 2011 réalisée en partenariat avec Réseau Ferré de France [1], l’APUR présente le coût de la rénovation de l’infrastructure de la Petite Ceinture à l’est de Paris, dans les 19e et 20e arrondissements, pour la mise en service d’un tramway entre le quartier de l’Évangile et le Cours de Vincennes, sur une section longue de 6,5 km.
Ce coût est estimé à 260 M€ aux conditions de 2006, soit 310 M€ aux conditions de décembre 2020 (c’est à dire compte-tenu de l’inflation calculée entre 2006 et fin 2020 au moyen du site France Inflation). Il correspond à un coût moyen au kilomètre de 48 M€ aux conditions de décembre 2020. Le montant indiqué par l’APUR provient d’une étude réalisée par Systra en 2001 et reprise par Réseau Ferré de France en 2006.
Parmi les travaux prévus, ce coût comprend l’installation de protections phoniques afin de minimiser les nuisances sonores, pour un montant moyen par kilomètre de 9 M€ sur 48 M€.
Comparaison avec la ligne de tramway T3
Cette étude de l’APUR donne également, à titre de comparaison, le coût de construction de la première section du T3a, mise en service en 2006 : 311 M€ pour 7,9 km aux conditions de 2006, soit 371 M€ aux conditions de décembre 2020, ce qui représente un coût moyen au kilomètre de 47 M€ aux conditions de décembre 2020.
Fin 2020, le coût du projet de prolongement de la ligne de tramway T3b de la porte d’Asnières à la porte Dauphine, en cours de réalisation, est estimé pour l’infrastructure à 165 M€ pour une longueur de 3,2 km, soit un coût moyen au kilomètre de 51 M€, très proche du coût de la première section du T3a. [2]
En conclusion, les coûts d’un tramway sur les boulevards des Maréchaux et sur la Petite Ceinture (avec protections phoniques) sont équivalents, autour de 50 M€ le kilomètre.
Comparaison avec le prolongement de la ligne 1 du Métro
Le projet de prolongement de la ligne 1 du métro de la station Château de Vincennes à Val de Fontenay, long de 5 km, voit le coût de son infrastructure estimé à « 1,385 milliards d’Euros HT (estimation valeur décembre 2017) », soit un coût moyen au kilomètre d’environ 280 M€, ce qui représente presque six fois le coût d’un kilomètre de ligne de tramway [3].
Cette différence d’ordre de grandeur est justifiée par le coût de creusement de tunnels et de stations en zone urbaine dense par rapport à une ligne construite en surface. Sur ce point, l‘ordre de grandeur du coût d’infrastructure pour la mise en service d’un transport ferroviaire de voyageurs sur la Petite Ceinture est celui d’une ligne de surface, ce qui confirme la thèse d’un « métro à ciel ouvert » défendue par l’architecte et urbaniste Paul Chémétov en 1995, lors du lancement du débat sur la construction d’une ligne de tramway au sud de Paris [4].
Coût de la remise en service d’une voie pour du fret
Pour un service de marchandises, comprenant un nombre modeste de circulations (une par jour en semaine), l’utilisation d’une seule voie, en l’occurrence la voie extérieure (c’est à dire située côté banlieue) devrait suffire. À partir de cette hypothèse, nous nous sommes lancés dans une estimation de l’ordre de grandeur du coût de la remise en service d’une voie.
Comme nous avons vu précédemment, l’étude de l’APUR de 2011 reprend les chiffres données par des études de Systra réalisées en 2001 et 2006 pour le compte de Réseau Ferré de France.
Concernant un service intensif de voyageurs, cette étude de 2006 prend en compte des postes de dépenses inutiles pour un transport de marchandises, comme la création de stations de voyageurs, de couloirs de correspondance entre certaines de ces stations et des stations du métro, d’un poste de commande centralisé (PCC) et d’un centre de maintenance.
Par contre, elle envisage des postes de dépenses indispensables également pour un transport de marchandises, comme « la rénovation des ponts-rails en béton armé, en poutrelles enrobées ou en maçonnerie, et le remplacement des ponts-rails métalliques ». À titre d’exemple, le tablier du pont-rail métallique de la rue Dareau dans le 14e arrondissement, datant de la Belle-Époque et soutenant les voies du RER B, a été reconstruit en 2007.
Cette étude prend également en compte le remplacement du pont-route des rues Manin et Crimée, près du parc des Buttes-Chaumont, dont le tablier est soutenu par des étais métalliques depuis plusieurs années.
D’autres postes de dépense verraient leur montant diminuer du fait qu’une seule voie serait exploitée au lieu de deux, comme la signalisation et l’électrification.
Enfin, la réglementation sur la mise en sécurité des tunnels devrait être plus légère pour du transport de marchandises que pour un service urbain de voyageurs, et induire moins de dépenses.
La question de la nécessité de créer des protections phoniques, indispensables pour un transport intensif de voyageurs, peut être discutée pour un nombre modeste de circulations de trains de marchandises. Pour cette raison, nous prenons en compte trois cas de figure afin d’obtenir une fourchette de coûts :
- Le premier incluant la totalité des protections phoniques,
- Le second seulement la moitié de ces protections,
- Le troisième ne prenant pas en compte l’installation de protections phoniques.
Enfin, la question peut être posée du besoin de caténaire électrifiée sur des parcours de quelques kilomètres, des locomotives de manœuvre sur batteries étant aujourd’hui commercialisées. Nous prenons donc en compte deux cas de figure, le premier incluant l’électrification de la voie extérieure, le second non, afin d’obtenir une fourchette de coûts.
En reprenant le détail du calcul de l’étude de Réseau Ferré de France datant de 2006, nous obtenons les estimations suivantes du coût moyen par kilomètre :
- 14 M€ pour une voie non électrifiée, avec utilisation de locomotives sur batteries, et sans aucune isolation phonique,
- 15 M€ pour une voie électrifiée et sans aucune isolation phonique,
- 20 M€ pour une voie électrifiée avec la création de la moitié des isolations phoniques envisagées pour un transport intensif de voyageurs (pour environ 5 M€),
- 24 M€ pour une voie électrifiée avec la création des isolations phoniques nécessaires pour un transport intensif de voyageurs (pour environ 9 M€).
Conclusion
Le coût de remise en état de l’infrastructure de la Petite Ceinture pour une ligne de tramway est équivalent à celui d’une ligne tramway réalisée sur la voirie. En plus, l’étude technique réalisée à la fin des années 1990, lors du débat sur l’implantation d’une ligne de tramway au sud de Paris a montré que la Petite Ceinture offre une capacité de transport plus importante. Le coût d’une ligne de tramway sur la Petite Ceinture est très inférieur à celui d’une ligne souterraine de Métro, pour un service proche (métro de surface).
Le coût de remise en état de l’infrastructure avec l’utilisation d’une seule voie pour du transport de marchandises en semaine est équivalent à celui de l’aménagement du Bloomingdale Trail de Chicago, autour de 20 millions d’Euros (lire notre article sur le coût d’une promenade pour plus de détails sur le coût du Bloomingdale Trail).
Ce constat soulève la question suivante : au lieu de mêler promenade piétonne et piste cyclable sur une plate-forme ferroviaire, comme sur le Bloomingdale Trail, ne serait-il pas possible d’envisager l’association sur la Petite Ceinture d’une promenade piétonne et d’une exploitation ferroviaire ?
Ces deux activités seraient associées dans l’espace et dans le temps : la voie extérieure pour le transport ferroviaire le matin en semaine et la voie intérieure pour la promenade le reste du temps.
L’avantage pour un aménagement de promenade est qu’une partie de son coût pourrait ainsi être prise en charge par les travaux de rénovation de la la plate-forme et des ouvrages d’art nécessaires pour la remise en service d’une exploitation ferroviaire.
Ce projet a justement été étudié dans une autre étude de l’APUR réalisée en collaboration avec Réseau Ferré de France et publiée en 2006.Il est l’objet de cet article.
[1] Étude prospective sur le devenir de la Petite Ceinture. Phase 1 : diagnostic prospectif. APUR, août 2011, page 49. Cette étude est disponible sur le site de l’APUR.
[2] Information lue le 20 janvier 2021 sur le site d’Île-de-France Mobilités, sur la page consacrée à ce projet.