La ligne de Courcelles au Champ-de-Mars
Une ligne de pénétration du Réseau Ferré National dans Paris
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La ligne de Courcelles au Champ-de-Mars
Du projet gouvernemental de chemin de fer métropolitain de 1894 au RER C, la ligne de Courcelles au Champs de Mars joue un rôle de pénétration du Réseau Ferré National (ou d’intérêt général) dans le centre de Paris.
Intégrée au projet de métropolitain de 1894
Cette ligne apparaît dans le projet de chemin de fer métropolitain soumis par le Ministre des Travaux Publics, Louis Barthou, en octobre 1894 (lire sur Gallica l’édition du 14 octobre 1894 du quotidien Le Matin). Ce projet comprend également la construction du tronçon reliant le Champs de Mars à l’esplanade des Invalides.
Le premier projet de chemin de fer métropolitain remonte à 1871. Pour de multiples raisons, que le quotidien Le Matin a fort bien résumées dans son édition du 2 avril 1898 consultable sur le site Gallica, le projet n’est pas toujours décidé au lendemain de l’Exposition Universelle de 1889. Mais la perspective de l’Exposition Universelle de 1900 rend urgent de le réaliser afin de pallier à l’insuffisance des transports dans les quartiers centraux de la Capitale.
Afin de répondre à cette urgence, Louis Barthou présente en 1894 « un programme restreint comportant la concession aux grandes compagnies des lignes les plus urgentes avec garantie au moins partielle de l’État et subvention de la Ville de Paris. Ce projet, qui devait créer une solidarité intime entre le métropolitain et la Ceinture, échoua en présence du refus de la Ville. La question du métropolitain avait, d’ailleurs, été liée par la Ville de Paris à celle de l’Exposition de 1900. Le conseil municipal avait subordonné son concours financier à l’Exposition de 1900 à la condition qu’aucune concession dans Paris ne serait accordée sans son assentiment. » Autrement dit, le projet de Louis Barthou consiste à concéder aux compagnies de chemin de fer, qui possèdent au moins une gare terminus à Paris et qui sont associées pour l’exploitation de la Petite Ceinture, l’exploitation du chemin de fer métropolitain. Les lignes prévues apparaissent comme le prolongement des lignes de banlieue de ces compagnies et de la Petite Ceinture vers les quartiers centraux de la Capitale. Le Ministre des Travaux Publics déclare par ailleurs que ce premier réseau sera ultérieurement complété.
Ce projet comporte deux types de lignes. D’une part des lignes centrales dont l’exploitation serait concédée à un syndicat des grandes compagnies, à l’instar de la Petite Ceinture.
D’autre part des raccordements de ces lignes centrales aux lignes de banlieue et à la Petite Ceinture, dont l’exploitation serait concédée à l’une de ces compagnies (lire sur Gallica l’édition du 5 novembre 1894 du quotidien Le Matin).
Le plus important de ces trois raccordements est la ligne de Courcelles au Champs de Mars de la Compagnie de l’Ouest. Elle doublerait la ligne d’Auteuil depuis la station Courcelles-Levallois jusqu’à la station Passy, traverserait la Seine à la hauteur de l’Île aux Cygnes avant de rejoindre les voies de la ligne des Moulineaux à la hauteur du boulevard de Grenelle. Elle serait emprunté par deux services circulaires dont les parcours figurent ci-dessous, liant ainsi les lignes du réseau métropolitain à la Petite Ceinture.
Associée au projet de gare aux Invalides
Outre l’intégration au réseau du métropolitain, la ligne de Courcelles au Champs de Mars présente un intérêt propre à la Compagnie de l’Ouest. Celle-ci souhaite mettre en service une nouvelle gare terminus sur l’esplanade des Invalides, afin de délester les gares Saint-Lazare et Montparnasse qui sont encombrées. Cette gare est déclarée d’utilité publique par décret le 5 juillet 1893 (lire le Journal Officiel du 6 juillet 1893). La ligne de Courcelles au Champs de Mars permettra de relier cette nouvelle gare à la gare Saint-Lazare par un service direct de navettes pour permettre aux voyageurs de changer facilement de train. (débats à la Chambre des Députés relatés dans l’édition du Matin du 21 mars 1897)
Nécessaire pour la desserte de l’Exposition de 1900
Enfin, pendant l’Exposition Universelle de 1900, la ligne de Courcelles au Champs de Mars reliera la Petite Ceinture Rive Droite au Champs de Mars et à l’esplanade des Invalides, deux des sites de l’Exposition. Il permettra ainsi l’exploitation d’un service de voyageurs entre la gare terminus du Champs de Mars et la Petite Ceinture Rive Droite. La Petite Ceinture Rive Gauche, quant à elle, est déjà reliée à la ligne des Invalides grâce au raccordement de Grenelle situé dans le 15e arrondissement. Ainsi, un service circulaire pourra être exploité par le nord et par le sud afin de relier directement le Champs de Mars au troisième site de l’Exposition situé au Bois de Vincennes.
Approuvée par la Ville de Paris
Le projet gouvernemental de chemin de fer métropolitain est refusé par la Ville de Paris, alors que le Conseil Municipal a subordonné son concours financier à l’Exposition Universelle de 1900 à la condition qu’aucune concession dans Paris ne serait accordée sans son assentiment. Face à l’urgence de la situation, un compromis est finalement trouvé entre le gouvernement et la Ville de Paris (lire l’édition du Matin du 14 avril 1896) :
- Le Ministre des Travaux Publics reconnaît le principe d’un chemin de fer métropolitain municipal, c’est à dire construit par la Ville de Paris ;
- Le réseau du métropolitain, à cause des dimensions restreintes du gabarit des ouvrages d’art, est impénétrable au matériel roulant des grands réseaux, comme le souhaite le conseil municipal ;
- La largeur des voies, établie par le conseil municipal à 1 mètre, est portée par le gouvernement à 1,44 mètres afin de permettre au matériel roulant du métropolitain d’emprunter les voies de la Petite Ceinture, ce qui « augmenterait dans des proportions considérables la puissance d’action du réseau urbain », ce qui témoigne de la part du gouvernement du souhait de voir ultérieurement le service urbain de voyageurs de la Petite Ceinture rattaché à celui du métropolitain ;
- Enfin, le conseil municipal donne son accord à l’exécution de la ligne de Courcelles au Champs-de-Mars par la Compagnie de l’Ouest.
La convention passée entre la Compagnie de l’Ouest et le Ministre des Travaux Publics le 6 juillet 1896 est approuvée et publiée au Journal Officiel en juin 1897.
La loi déclarant d’utilité publique l’établissement du métropolitain est promulguée au Journal Officiel du 1er avril 1898.
Construction
Les travaux de la ligne de Courcelles au Champs de Mars comprennent deux parties :
- Le doublement des voies de la ligne d’Auteuil entre les stations Courcelles-Courcelles-Ceinture et Avenue Henri-Martin, rendu nécessaire par le fait que la ligne d’Auteuil ne peut pas absorber de trafic supplémentaire sur cette section fréquentée par les trains du service circulaire et ceux propres à la ligne d’Auteuil ;
- La construction d’une section à double-voie entre la station Avenue Henri Martin et la lignes des Invalides. Cette section comprend des tunnels et un viaduc sur la Seine. Elle est communément appelée « le raccordement de Boulainvilliers ».
Ces travaux sont décrits en détail dans les éditions de la revue Le Génie Civil du 7 mai 1898, du 29 octobre 1898, du 2 juin 1900 et du 7 juillet 1900.
Architecture des nouvelles stations
Le doublement des voies de la ligne d’Auteuil nécessite de reconstruire les bâtiments des stations Courcelles-Ceinture, Neuilly-Porte Maillot et de l’Avenue du Bois de Boulogne (aujourd’hui Avenue Foch).
Pour ces reconstructions, la Compagnie de l’Ouest fait appel à l’architecte Juste Lisch avec qui elle a déjà travaillé pour la gare Saint-Lazare et la gare terminus du Champs de Mars de l’Exposition Universelle de 1878. Elle fait également appel à lui pour les bâtiments de la gare des Invalides et des stations de la ligne allant de Grenelle aux Invalides.
Juste Lisch applique les principes du courant architectural de l’éclectisme, encore appelé le style Beaux-Arts, qui est mis à l’honneur par les bâtiments de l’Exposition Universelle de 1900. Il définit ainsi un type d’architecture commun à la station Courcelles-Ceinture et à celles de la ligne allant de Grenelle aux Invalides qui semble évoquer un pavillon de l’Exposition.
La conception de la station Boulainvilliers et de la halte du quai du Passy, par contre, est confiée à A. Bonnet, également architecte mais surtout, en tant qu’ingénieur des Ponts et Chaussées, directeur des travaux de la ligne de Courcelles au Champs de Mars. Nous décrivons l’architecture de la station Boulainvilliers dans un autre article.
Exploitation
La ligne est mise en service le vendredi 13 avril 1900, soit deux jours avant l’ouverture de l’Exposition Universelle le 15 avril. Le service de la Compagnie de l’Ouest compte huit trains réguliers par heure. Pour le jour d’ouverture de l’Exposition, le dimanche 15 avril, jusqu’à 16 trains circulent chaque heure. Ce service permet de relier la gare de Paris-Saint Lazare à la gare terminus du Champs de Mars en 22 minutes. La correspondance avec les trains circulaire de la Petite Ceinture est assurée à la station Avenue Henri-Martin.
Pendant la durée de l’Exposition, une navette relie la gare de passage du Champs de Mars à celle des Invalides, avec arrêt au Pont de l’Alma, en 7 minutes à raison de 4 départs par heure et par sens.
Un mois plus tard, le 17 mai, que deux nouveaux services empruntant la ligne de Courcelles au Champs de Mars sont démarrés. Ce retard est dû au fait que la gare terminus du Champs de Mars a servi jusqu’à cette date à recevoir les wagons de marchandises transportant des objets exposés.
Le premier de ces services est un service direct exploité par la Compagnie du Nord entre la gare de Paris-Nord et la gare terminus du Champs de Mars. Ce service compte un train par heure et par sens en semaine et deux les dimanches et fêtes. Les trains de ce service emprunte la Petite Ceinture entre les stations Boulevard Ornano et Courcelles-Ceinture, ainsi que la ligne de Courcelles au Champs de Mars. Les trains ne s’arrêtent pas entre les stations Courcelles-Ceinture et Avenue Henri Martin.
Le second service est un service circulaire ayant la gare terminus du Champs de Mars comme point de départ et d’arrivée. Il est exploité par le Chemin de fer de Ceinture et s’ajoute au service circulaire existant. Il comporte 2 trains réguliers par heure et par sens.
Dans les années qui suivent l’Exposition de 1900, la Compagnie de l’Ouest met en service selon les heures entre 2 et 4 trains par heure et par sens entre les gares Saint-Lazare et des Invalides. La halte du Quai de Passy est mise en service le 1er avril 1904. Cette halte est aujourd’hui la station Avenue du Président Kennedy du RER C.
Entre les stations Courcelles-Levallois et Avenue Henri Martin, les trains du service circulent sur les voies extrêmes, tandis que les trains du service de la ligne d’Auteuil et du service circulaire empruntent les voies centrales.
Mais la concurrence de nouveaux moyens de transport qui apparaissent durant la première décennie du XXe siècle, comme les lignes 3 et 9 du Métro et des lignes de tramway électrique, concurrencent les trains de la ligne d’Auteuil, ceux du service circulaire et ceux du service de la gare Saint-Lazare à la gare des Invalides.
Le 19 mai 1913, les trains de ce service sont limités à la gare du Champ-de-Mars. Désormais, pour se rendre à la gare des Invalides, les voyageurs doivent prendre un train de la la ligne de Versailles-Rive Gauche. [1]
Le 25 janvier 1917, le service est suspendu à cause des restrictions dues à la Première Guerre mondiale.
Le service reprend le 8 juillet 1919 entre les stations Avenue Henri Martin et Champ-de-Mars. Nouveauté, il est assuré par une automotrice électrique alimentée par 3e rail. Cela n’empêche pas l’arrêt du service le 1er juin 1924.
Jusqu’en 1963, la ligne voit passer uniquement des trains de service de la SNCF. comme des automotrices circulant entre le dépôt électrique du Champ-de-Mars et la banlieue de la gare Saint-Lazare. Mais son intégration au RER C en septembre 1988 marque le retour d’un service urbain de voyageurs sur cette ligne.
Aller plus loin
Concernant l’histoire de la gare du Champ-de-Marslire la page qui lui y est consacrée sur le site Manche Océan.
[1] André Jacquot. 130 ans de trains sur la ligne d’Auteuil. Éditions de l’Ormet, 1987.