1995-2020 : bilan de vingt-cinq ans de projet de promenade sur la Petite Ceinture
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1995-2020 : bilan de vingt-cinq ans de projet de promenade sur la Petite Ceinture
- Une ambition forte affirmée
- Une intégration à la stratégie touristique de Paris
- Une importante longueur aménagée
- Une longueur encore plus importante à aménager
- Un financement limité
- Un consensus politique introuvable
- Un projet de longue haleine
- Une reconquête qui s’essouffle
- L’activité ferroviaire pour ouvrir des promenades
1995-2020 : cela fait vingt-cinq ans fin 2020 qu’un projet de promenade a été évoqué pour la première fois par la Mairie de Paris, à l’occasion de l’annonce du projet de tramway au sud de Paris. [1]. Cette annonce a lieu à l’époque deux ans après la suspension du service commercial sur la Petite Ceinture et l’ouverture de la Coulée Verte René Dumont, aménagée sur la plate-forme de l’ancienne ligne de Vincennes dans le 12e arrondissement.
Au bout de vingt-cinq ans d’efforts de la part de la Mairie de Paris, où en est ce projet de promenade ?
Une ambition forte affirmée
Le 29 avril 2017, la Mairie de Paris annonce que 3,5 kilomètres sont déjà ouverts sur la Petite Ceinture et qu’elle compte ouvrir 6,5 kilomètres supplémentaires entre 2017 et 2020. [2]
Le choix d’une métaphore militaire, « La reconquête de la Petite Ceinture », témoigne de la volonté d’Anne Hidalgo, affirmée dès 2012, de faire de ce projet « un enjeu majeur » de sa première mandature en tant que Maire de Paris. [3]
Une intégration à la stratégie touristique de Paris
À partir de 2016, la Ville de Paris intègre les promenades aménagées sur la boucle ferroviaire à son schéma de développement touristique, en les présentant sous l’angle du « tourisme vert » et de la découverte d’un Paris méconnu [4] :
Ouverture de la Petite Ceinture, création de fermes urbaines, de festivals et d’animations dans les bois et jardins, et développement des balades du « Paris durable », pour que Paris s’affirme en tant que destination verte, et capitalise sur son patrimoine naturel exceptionnel encore méconnu : ses bois, parcs et jardins, sa promenade plantée, ses vignes, ses ruches ou encore ses jardins partagés.
Une importante longueur aménagée
Fin 2020, environ 7,2 km de promenades sont aménagées sur la plate-forme de la voie ferrée, à raison de :
- 2,1 km sur les sections de la ligne d’Auteuil inutilisées par le RER C dans les 16e et 17e arrondissements,
- 5,1 km sur les 23 km nord, est et sud de la Petite Ceinture.
À ces promenades sur la plate-forme s’ajoutent environ 2,8 km de longueur d’espaces ouverts sous diverses formes (jardins partagés le long des voies, quais d’anciennes stations du service circulaire transformées en terrasses de cafés-restaurants, etc.).
Nous présentons un inventaire détaillé des espaces ouverts au public fin 2020 dans cet autre article.
Ces 7,2 km de promenades représentent une longueur bien supérieure à celles d’autres aménagements de ce type : par exemple, cette longueur représente 3 fois celle de la High Line de New York, longue de 2,3 km (lire ici notre présentation détaillée de la High Line), 1,5 fois celle du Bloomingdale Trail de Chicago, long de 4,6 km ou 1,5 fois celle de la Coulée Verte René Dumont, longue de 4,5 km (pour plus de détails, lire notre article consacré aux particularités topographiques de la Petite Ceinture en cliquant ici).
Une longueur encore plus importante à aménager
Malgré leur relative importance, ces 7,2 km de promenades aménagées sur la plate-forme représentent moins d’un tiers des 25 km de la boucle ferroviaire qu’il est possible d’aménager. Si la totalité des sections disponibles de la ligne d’Auteuil (dans les 16e et 17e arrondissements) est aménagée, sur les 23 km nord, est et sud, les 5,1 km de promenades aménagés ne représentent que 22 % de ces 23 km.
Il reste donc encore beaucoup à faire à la Ville de Paris pour aménager les 18 km restants. D’autant plus que ceux-ci comportent environ 7 km de tunnels, longs chacun de plusieurs centaines de mètres et difficiles à ouvrir aux piétons sans investissements conséquents pour respecter la réglementation sur la sécurité, comme la création de rampes d’accès pour les véhicules de secours. Pour plus de détails sur ces difficultés, consultez notre article sur les obstacles topographiques à l’aménagement d’une High Line sur la Petite Ceinture.
Un financement limité
La Ville de Paris a fourni pendant la mandature 2014-2020 un effort particulièrement important, avec l’ouverture d’environ 4,7 km de promenades, dont 3,8 km environ sur les sections nord, est et sud de la Petite Ceinture. L’inventaire détaillé des espaces ouverts au public fin 2020 est indiqué dans cet article.
En comparant les dépenses réalisées pendant cette mandature avec celles concernant la promenade du 15e arrondissement, ouverte en 2013 pendant la précédente mandature, une baisse d’environ 25 % du coût moyen au kilomètre entre les deux mandatures est constatée, passant d’environ 5,15 M€ à 3,85 M€. La Ville de Paris a donc pendant la mandature 2014-2020 augmenté la longueur des promenades ouvertes en diminuant le coût des aménagements. Pour baisser ce coût, elle a diminué le nombre d’accès créés de toute pièce et le nombre de ponts-métalliques franchis. Nous présentons le détail de cette estimation du coût d’une promenade sur la Petite Ceinture dans cet article.
Par ailleurs, ces montants sont très inférieurs à ceux dépensés à Chicago pour le Bloomingdale Trail (environ 20 M€ par km) et la High Line de New York (environ 60 M€ par kilomètre, compris dans une fourchette d’environ 70 M€ par kilomètre pour les deux premières section ouvertes et environ 30 M€ par kilomètre pour la dernière). À Chicago et New York, les municipalités ont pu devenir propriétaire de la plate-forme, contrairement au cas de Paris avec la Petite Ceinture et la ligne d’Auteuil, ce qui explique en partie le fait qu’elles aient dépensé autant d’argent sur ces projets.
Pour aménager des promenades sur la plate-forme ferroviaire, la Ville de Paris fait face à une difficulté d’ordre juridique. Elle ne peut devenir propriétaire de la plate-forme, ce qui se traduit notamment par la contrainte de réversibilité des aménagements de promenade imposée par le propriétaire de la ligne, l’État, au travers de la SNCF (pour plus de détails sur la situation juridique de la Petite Ceinture et les contraintes qu’elle entraîne sur l’aménagement de promenades, lire notre article consacré à ce sujet en cliquant ici).
Cette situation juridique a un impact économique, car elle limite le coût des aménagements que la Ville peut réaliser, à cause du risque de devoir un jour les détruire à la demande du propriétaire.
Face à cette situation, la Ville a souhaité ajouter à son modèle économique un second volet de financement des promenades composé des redevances versées par des partenaires privés. Mais il restait à obtenir un consensus politique au sein des élus parisiens sur ce second volet.
Un consensus politique introuvable
La Ville de Paris a élaboré pendant la mandature 2014-2020, en accord avec la SNCF, un projet de création de société commerciale, sous forme de Société par Actions Simplifiées (SAS), afin de pouvoir faire appel à des partenaires privés pour développer des activités, principalement commerciales, sur la Petite Ceinture. Mais la Ville a échoué en septembre 2018 à obtenir sur ce projet de SAS un consensus politique au sein des élus parisiens.
Par conséquent, l’ouverture de nouvelles promenades repose toujours fin 2020 uniquement sur le budget de la Ville de Paris. Celle-ci conservera-t’elle pendant la mandature 2020-2026 le rythme adopté pendant la précédente mandature ?
Un projet de longue haleine
Au rythme d’ouverture adopté pendant la mandature 2014-2020, pourtant exceptionnel, il faudrait encore compter quatre mandatures, soit 24 années, pour ouvrir aux piétons la totalité des 23 km nord, est et sud. Ce qui au final, depuis 1995, représenterait une durée de 50 ans.
Premier constat : sans l’aide de financements extérieurs à ceux de la Ville, il est très peu probable de voir aménagée une promenade sur ces 23 km d’ici 2026.
Second constat : 50 ou même 25 ans représentent des échelles de temps pendant lesquelles les contextes socio-économique et énergétique peuvent fortement évoluer.
Une reconquête qui s’essouffle
Au final, le projet de « reconquête de la Petite Ceinture » mené par la Mairie de Paris ressemble, pour filer la métaphore militaire, à la campagne de Russie menée par Napoléon Ier : malgré toutes les avancées réalisées, l’ampleur du terrain à couvrir et le manque de moyens pour y parvenir rendent son achèvement impossible.
Cet essoufflement est dû au coût d’aménagement de sections peu accessibles et au dissensus parmi les élus parisiens sur le projet de société commerciale de type SAS, établi pour financer de nouvelles promenades grâce aux redevances versées à la Mairie de Paris par des opérateurs privés.
Il faut donc, pour que la Mairie de Paris puisse continuer un effort substantiel d’ouverture de nouvelles promenades, trouver une autre source d’apport financier.
Par ailleurs, les transformations profondes provoquées par les conséquences de la gestion de la crise sanitaire depuis 2020, ainsi que les enjeux environnementaux et énergétiques actuels, sont l’occasion de réexaminer des projets mis de côté par le passé pour évaluer s’ils peuvent répondre aux enjeux qui émergent.
L’activité ferroviaire pour ouvrir des promenades
Un projet pourrait se substituer au projet de SAS pour apporter des sources complémentaires de financement à l’aménagement de nouvelles promenades : le retour d’une exploitation ferroviaire qui partagerait la plate-forme dans l’espace (utilisation d’une voie pour les circulations ferroviaires) et dans le temps (circulations ferroviaire le matin et promenade l’après-midi par exemple).
Les activités ferroviaires n’ont pas été prises en compte par la Ville de Paris comme activités complémentaires des promenades pendant la mandature 2014-2020.
Pourtant, une étude de l’APUR, publiée en 2006 et préparée en collaboration avec Réseau Ferré de France, évoque un tel projet pour du transport de marchandises, accompagné éventuellement de circulations de trains touristiques. Nous présentons ce projet d’association de promenade et d’exploitation ferroviaire sur la Petite Ceinture dans cet autre article (cliquer ici pour le découvrir).
Même en l’absence d’un opérateur ferroviaire exploitant un transport de marchandises, une réglementation fixe les conditions de circulation de trains touristiques sur la Petite Ceinture, « le chemin vert de Paris ». Cliquer ici pour découvrir ces conditions et les trois scénarios que nous proposons.
[1] Le tramway sert la ceinture sud de Paris. Installé sur les boulevards des Maréchaux, il permettrait de réduire le trafic auto. Matthieu Écoiffier, Libération. Édition du 30 septembre 1995.
[2] Dossier de presse intitulé « Anne Hidalgo annonce les étapes 2017-2020 de la reconquête de la Petite Ceinture », 29 avril 2017. Mairie de Paris.
[3] Hidalgo : "La Petite ceinture de Paris, un enjeu majeur". Bertrand Gréco. Article du Journal du Dimanche, édition du 1er décembre 2012 (accessible ici)
[4] Mairie de Paris, Stratégie tourisme 2022, schéma de développement touristique, chapitre « Offrir des expériences uniques », page 14, octobre 2016. Télécharger.
Par Petite Ceinture Info le 7 février 2021