Budget participatif : entre ambitions et contradictions
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Budget participatif : entre ambitions et contradictions
De 2015 à 2019, plusieurs projets concernant la Petite Ceinture sont adoptés dans le cadre du budget participatif. Voyons où en sont ces projets aujourd’hui.
Budget 2015 - la moitié des dépenses d’aménagement
Statut début 2021 : réalisé.
Le premier projet est adopté en septembre 2015, quelques mois après la signature du protocole-cadre par la SNCF et la Mairie de Paris. Il réunit 73 propositions très diverses, qui sont le reflet d’une partie des idées exprimées pendant la concertation publique sur l’avenir de la Petite Ceinture organisée début 2013 (cliquer ici pour accéder à la description de ce projet sur cette page du site du budget participatif).
Ce projet est intitulé « La reconquête de la Petite Ceinture 2015 » par la Mairie de Paris, qui l’intègre à son programme d’ouverture au public de sections de la Petite Ceinture pendant la mandature 2014-2020. Preuve de cette intégration, il est doté d’un budget prévisionnel de 7,5 M€ (Millions d’Euros) pris sur le budget d’investissement de la Mairie de Paris consacré à la Petite Ceinture grâce à un jeu d’écriture comptable, comme le montre notre article consacré au coût d’une promenade sur la Petite Ceinture.
Les ambitions du dispositif participatif
La Mairie de Paris le met en œuvre sous la forme d’un « dispositif participatif » qui accompagne les études entreprises par ses services, notamment la Direction des Espaces Verts et de l’Environnement (DEVE). Ce dispositif consiste à étudier, réaliser et enfin tester environ la moitié des aménagements proposés (35 sur 73) au travers de chantiers participatifs. Ce dispositif participatif fait l’objet d’une forte communication de la part de la Mairie de Paris, notamment sur son caractère innovant. [1]
Voyons à présent comment ce dispositif participatif est mis en place et s’il a tenu ses promesses, notamment concernant la participation des habitants et la prise en compte de leurs propositions.
Les chantiers participatifs sont animés dans plusieurs arrondissements par des collectifs sélectionnés pas la Ville. Les habitants, notamment les riverains, sont invités à y participer. Les activités développées consistent en « atelier de co-conception d’espace public, workshop (ndlr : atelier) de co-construction avec les riverains, conférences et débats autour des questions de la nature en ville et organisation d’événements culturels et festifs », destinés à « questionner et valoriser le caractère de ce lieu, dans son échelle très locale mais aussi plus largement métropolitaine ». [2]
Ces chantiers sont déployés en deux étapes :
- Une première phase animée par 4 collectifs durant le second semestre 2016,
- Une seconde phase animée par 3 collectifs du printemps 2017 à fin 2019.
La première étape peut être considérée comme expérimentale, c’est à dire destinée à tester le concept. La second étape, quant à elle, doit aboutir à la création d’aménagements accompagnant les ouvertures de promenades réalisées en 2019 et 2020.
Les obstacles rencontrés sur le terrain
La Mairie de Paris choisit de lancer un appel d’offre pour chacune de ces étapes, ce qui entraîne un changement de collectifs entre les deux étapes. Le processus initié pendant la première étape est abandonné et un nouveau processus est initié. Cette situation génère une incompréhension, voire une frustration, de la part d’habitants ayant participé à la première étape qui ne comprennent pas pourquoi il faut tout recommencer lors de la seconde. Pour certains d’entre eux, la Ville leur demande leur avis trois fois en quatre ans depuis la concertation de début 2013, sans que cela n’aboutisse à des réalisations concrètes.
Les collectifs vont non seulement recueillir les propositions des habitants, comme prévu, mais aussi devoir subir leur impatience par rapport à la lenteur de mise en œuvre des projets. Une impatience nourrie par la communication offensive menée par la Mairie de Paris depuis 2013, année de la concertation sur l’avenir de la Petite Ceinture et de l’ouverture de la promenade du 15e arrondissement. [3]
Des riverains expriment auprès des collectifs leur crainte de nuisances sonores ou visuelles, ainsi que le refus de la privatisation de certains espaces comme la Ville l’envisage jusqu’en septembre 2018. Au final, les collectifs servent de tampon entre les habitants et la Mairie de Paris, ce qui les éloigne de leur mission initiale.
Enfin, les dégradations que subissent les conteneurs orange (caillassage, graffitis, incendie) ternissent l’image des chantiers participatifs auprès des riverains.
Les chantiers participatifs en images
Les films réalisés par François Godard et disponibles sur sa chaîne Youtube « Petite Ceinture Paris » permettent de découvrir les différentes facettes de ces chantiers participatifs. Choisir la liste intitulée « La Petite Ceinture participative » pour les consulter (cliquer ici pour y accéder).
Budget participatif 2018 - le complément du budget 2015
Statut début 2021 : en cours de réalisation
Ce deuxième projet est adopté en septembre 2018, au moment où est rejeté par le Conseil de Paris le projet de création d’une société commerciale qui aurait permis de faire appel à des partenaires privés pour développer des activités lucratives sur la Petite Ceinture. Intitulé « Quartiers populaires : reconquête de la Petite Ceinture », il est décrit sur cette page du site du budget participatif de la Mairie de Paris. Il est doté d’un budget prévisionnel de 4,8 M€ et regroupe quatre propositions. Présenté par la Mairie de Paris comme le complément du projet du buget participatif de 2015, il a pour objectif de financer :
- La promenade ouverte en 2020 dans le 19e arrondissement, entre la rue de Thionville et l’avenue Jean Jaurès (à découvrir dans cet article),
- La restauration de la passerelle de la rue de la Mare dans le 20e arrondissement (terminée en mars 2021),
- L’ajout d’aménagements de loisirs (terrain de boules, jeux pour enfants, aménagements sportifs, etc.) sur la promenade du 17e arrondissement située dans la tranchée Pereire ;
- D’ouvrir un « espace intergénérationnel » : lieu d’échanges, d’événements culturels, d’activités associatives au bénéfice des habitants et visiteurs du quartier dans le 18e arrondissement entre la Porte des Poissonniers et la rue du Poteau.
Le projet concernant le 18e arrondissement est réalisé conjointement avec celui du jardin des traverses, lauréat de Parisculteurs saison et porté par Vergers Urbains, qui concerne la secton comprise entre la la Porte des Poissonniers et la Porte de Clignancourt. Des études préalables sont en cours et les travaux sont prévus au 1er semestre 2022 (source : fil Twitter de Paris J’écoute).
Quelle est la part de ce budget consommée début 2021 ?
Le coût de la rénovation de la passerelle de la rue de la Mare est estimé à 0,4 M€. Quant aux promenades aménagées dans le 19e arrondissement, nous estimons leur coût à 2,7 M€ environ pour 590 m de long, en nous basant sur notre estimation du coût moyen d’un kilomètre de promenade, présentée dans cet article.
Cela donne un total estimé de 3,1 M€ environ. La dépense exacte sera connue quand le bilan comptable de l’année 2020 sera publié par la Mairie de Paris au début de l’été 2021.
Mise à jour du 4 février 2022
Le compte administratif 2020 (tome 3.2, page 1430) indique que le montant des dépenses engagées fin 2020 est d’un peu de moins de 3,8 M€, soit un montant supérieur à nos prévisions. Il reste ainsi 1 M€ à dépenser sur ce budget début 2021.
Mise à jour de mai 2022
En mai 2022, la Ville de Paris annonce le planning prévisionnel d’ouverture de nouvelles promenades d’ici 2026 (cliquer ici pour accéder au site de la Ville). La promenade dans le 18e arrondissement est inscrite à ce programme : ouverture du tronçon rue du Poteau-porte de Clignancourt et tranchée de la station Avenue de Saint-Ouen en avril 2023, puis ouverture à l’été 2023 du tronçon porte de Clignancourt-porte des Poissonniers où s’installera le projet « Le Jardin des Traverses ».
Budget participatif 2019 - vers la mandature 2020-2026
Statut début 2021 : en cours d’étude et de conception.
Pour le budget participatif 2019, deux projets concernant la Petite Ceinture sont sélectionnés :
- Le premier, intitulé « Poursuivre l’ouverture de la Petite Ceinture » (voir sur le site de la Mairie de Paris), est doté d’un budget prévisionnel de 3,8 M€
- Le second, intitulé « Ouvrir au public une nouvelle portion de la Petite Ceinture » (voir sur le site de la Mairie de Paris), est doté d’un budget prévisionnel de 0,8 M€
Contrairement aux budgets participatifs 2015 et 2018, ces deux projets ne concernent pas la mandature 2014-2020 mais la mandature 2020-2026. Voyons en quoi chacun d’eux pourrait consister.
Le budget du premier projet (« Poursuivre l’ouverture de la Petite Ceinture »), 3,8 M€, représente selon nos estimations environ un kilomètre de promenades sur la Petite Ceinture. Dans ce contexte, quelles sections pourraient être aménagées ?
Comme nous l’avons vu dans notre étude consacrée à l’évaluation du coût d’aménagement d’une promenade sur la Petite Ceinture, la Mairie de Paris a tendance depuis 2015 à privilégier des sections comportant peu de ponts-rails métalliques et disposant d’accès existant à rénover, évitant ainsi l’installation d’escaliers métalliques.
Le tronçon situé en contrebas du parc Georges-Brassens, dans le 15e arrondissement, cité pour ce projet sur le site de la Mairie correspond à ces critères. Le prolongement jusqu’à la rue Jacques Baudry pourrait utiliser la rampe d’accès à la sous-station électrique, à condition que la SNCF donne son accord.
Le tronçon de la Petite Ceinture situé entre la place Balard et le siège de France Télévisions dispose d’une rampe d’accès à la rue du Professeur Florian Delbarre située au pied de ce bâtiment. Mais ce tronçon est utilisé pour garer des trains de travaux du RER C. Il faudrait donc que la SNCF donne son accord.
Par contre, le projet de promenade dans le 19e afin de relier les deux promenades existantes est relativement coûteux, du fait de la présence de nombreux ponts-rails métalliques, comme nous le montrons dans notre article sur le coût d’une promenade sur la Petite Ceinture.
Le second projet (« Ouvrir au public une nouvelle portion de la Petite Ceinture ») consiste à viabiliser pour les piétons et ouvrir la surlargeur de la Petite Ceinture située entre le cours de Vincennes et la rue du Volga [4]. Cette surlargeur est un reliquat du terrain occupé autrefois par la gare de Charonne-Marchandises. Ce terrain est accessible depuis le Cours de Vincennes au moyen de la rampe d’accès à l’ancienne gare. Ce projet ne concerne pas la plate-forme de la Petite Ceinture elle-même. Ce site est visible dans le film ci-dessous.
Bilan du budget participatif
Les budgets participatifs concernant la Petite Ceinture intervenus depuis 2015 donnent un résultat contrasté, entre ambitions et contradictions.
La première ambition de la Mairie de Paris est d’associer le budget participatif à l’ouverture au public de la Petite Ceinture. Mais en réalité son projet inclut également la privatisation d’une partie des espaces, afin qu’elle puisse toucher des redevances comme décrit sur le site du budget participatif : « créer des aménagements légers et réversibles pour permettre des activités de loisirs, culturelles, sportives, d’agriculture urbaine, de promenade mais aussi d’implanter des buvettes ou des restaurants dans ce cadre unique de Paris, dans le respect de la biodiversité et de son patrimoine ferroviaire ». D’où une première contradiction qui aboutit en septembre 2018 au rejet par les élus de Paris du projet de société commerciale dédiée à l’exploitation de la Petite Ceinture.
La seconde ambition de la Mairie de Paris est de demander au grand public, au travers du budget participatif, de participer à l’élaboration des aménagements. Mais elle n’informe pas ce même public des contraintes juridiques, techniques et budgétaires pesant sur ces projets. Il en découle la soumission de certains projets depuis 2015 à plusieurs reprises sans succès. Cette proposition pour le budget participatif 2021 en est un exemple. D’où une deuxième contradiction qui génère de la frustration parmi les participants, alors qu’il est possible de réaliser un retour d’expérience sur le sujet suite aux ouvertures de promenades réalisées par la Mairie de Paris depuis 2013.
Enfin, la troisième ambition de la Mairie de Paris est de lancer une démarche itérative de conception des aménagements au travers des chantiers participatifs, qui consiste à réaliser de petits aménagements pendant une courte durée, puis de les tester en vue de les améliorer. Mais ce processus diffère de la gestion habituelle d’un projet par les services de la Ville : conception du projet, établissement d’un cahier des charges et évaluation du budget nécessaire, puis lancement d’un appel d’offres pour l’exécution du chantier par des prestataires externes, exécution du chantier, à la fin des travaux livraison de l’aménagement réalisé puis ouverture au public. Au final, les services de la Ville ont repris la main, ne serait-ce que pour tenir les délais impartis, ce qui a réduit l’ambition initiale des chantiers participatifs. D’où une contradiction avec l’ambition initiale qui réduit l’utilité de la démarche participative.
Pour continuer cette lecture, vous pouvez consulter l’article consacré au panorama des propositions soumises au budget participatif 2021.
[1] Anne Hidalgo annonce les étapes 2017-2020 de la reconquête de la Petite Ceinture. Mairie de Paris, dossier de presse du 29 avril 2017 (accessible en ligne).
[2] Description donnée sur le site de l’agence YA+K, intervenue sur la Petite Ceinture du 12e arrondissement au second semestre 2016.
[3] La métaphore militaire « la reconquête de la Petite Ceinture » employée par la Mairie dans sa communication témoigne de la volonté de la Mairie de faire bouger les choses. Volonté qui va se heurter à de multiples obstacles, comme nous l’expliquons dans notre article consacré au bilan de 25 années de projets de promenades menés par la Mairie de Paris.
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