Le projet de 1894 et la desserte de l’Exposition de 1900
La Petite Ceinture et le Métro (4/5)
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Le projet de 1894 et la desserte de l’Exposition de 1900
Face à l’échec du projet de 1890 et à la nécessité d’augmenter l’offre de transport pendant l’Exposition universelle de 1900, le Gouvernement propose en 1894 un troisième projet qui intègre la Petite Ceinture. Mais suite au rejet de ce dernier et à la nécessité de conclure rapidement, il cède fin 1895 à la Ville de Paris le soin de construire un chemin de fer métropolitain autonome, c’est-à-dire non connecté au réseau ferroviaire existant. Cependant, bien qu’ils aient été abandonnés, les projets gouvernementaux nous laisse en héritage un important patrimoine ferroviaire.
Les révisions du tracé de la ligne circulaire présentée par la Compagnie des Établissements Eiffel, à la demande du Conseil Municipal en juillet 1891, retardent l’exécution du projet. [1] En janvier 1892, le tracé est à nouveau remanié, suite à la décision du Conseil Municipal de ne pas participer au financement de la rue Réaumur par lequel devait passer la ligne circulaire. [2] Là-dessus, « l’éclatement du scandale de Panama, en septembre 1892, met hors jeu les promoteurs du projet Eiffel et évite vraisemblablement que n’éclate un scandale du métro analogue à celui de Panama. » [3]
Le service circulaire de la Compagnie du Nord
Le projet de 1890 est donc abandonné, mais la Compagnie du Nord parvient à construire à ses frais le double raccordement entre les voies de la gare du Nord et de la Petite Ceinture. Celui-ci est soumis à l’approbation ministérielle le 29 juin 1889 puis mis en service le 1er août 1893. [4] À partir de cette dernière date, la Compagnie du Nord exploite son propre service circulaire au départ et à l’arrivée de la gare de Paris-Nord, desservant ainsi les quartiers périphériques de la Capitale. [5] Lire cet article pour découvrir les détails du service circulaire de la Compagnie du Nord sur la Petite Ceinture.
Le projet de 1894
À la fin de l’année 1893, un élément nouveau apparaît dans le débat sur le projet de chemin de fer métropolitain : la desserte de l’Exposition universelle de 1900. La Commission préparatoire de l’Exposition, en charge de cette question, se réunit pour la première fois le 13 novembre 1893. [6]
En réaction, « le 10 octobre 1894, le Gouvernement communique à la Ville de Paris un projet de chemin de fer métropolitain étudié en vue de desservir les emplacements choisis pour l’Exposition de 1900 ; il reconnaît que, parmi les chemins de fer qu’il peut être utile de construire dans Paris, les uns ont un caractère d’intérêt général et les autres un caractère d’intérêt surtout urbain ; mais il estime que le projet communiqué se rattache au premier type, parce qu’il constitue un système de prolongements destiné non seulement à desservir de nouveaux courants de circulation urbaine, mais aussi à mettre en valeur les lignes d’intérêt général existantes dans Paris. » [7]
Le tracé du projet de chemin de fer métropolitain proposé par le Gouvernement en 1894 comporte deux lignes à construire en urgence, les lignes a et b, afin qu’elles soient prêtes pour l’Exposition de 1900, et deux lignes c et d à construire une fois celle-ci terminée. Les deux lignes à construire en urgence sont toutes deux transversales. La première transversale, selon un axe Nord-Sud (ligne a), relie la gare du Nord à la ligne de Sceaux, à la hauteur de l’actuelle station Luxembourg du RER B, en passant par les Halles centrales. La seconde transversale, selon un axe Est-Ouest (ligne b), relie la gare de Reuilly sur la ligne de Vincennes à la gare des Invalides, en passant par la gare de Lyon, la gare d’Austerlitz et le boulevard Saint-Germain. Ces lignes partagent un tronc commun entre le Jardin des Plantes et le boulevard Saint-Michel. [8] [9] Les deux lignes transversales se rattachent par leurs extrémités à la Petite Ceinture. [10]
Le projet de 1894 inclut également, en complément de la construction des lignes du Métropolitain, la construction par la Compagnie de l’Ouest de la ligne de Courcelles au Champ-de-Mars. L’objectif de cette ligne est d’améliorer la desserte du Champ-de-Mars pendant l’Exposition de 1900. Lire notre article consacrée à cette ligne pour plus de détails.
Le projet prévoit de concéder l’exploitation du Métropolitain à un syndicat composé des Compagnies de l’Est, du Nord, d’Orléans, de l’Ouest, de Paris-Lyon-Méditerranée, sur le modèle du Syndicat de Ceinture qui exploite déjà la Petite et la Grande Ceinture. [11]
Les lignes métropolitaines seraient exploitées au moyen de trains de voyageurs sans bagages, mis en marche par le Syndicat de Ceinture ou par les Compagnies syndiquées. Au minimum, six trains à l’heure dans chaque sens circuleraient sur le réseau métropolitain. L’exploitation de différents services circulaires, empruntant chacun une partie du réseau, est prévue (voir les illustrations). Le projet prévoit également la desserte des Halles centrales pour le transport de marchandises.
Les limites de la traction vapeur
La Compagnie du Nord réalise des essais avec son Train Métropolitain afin de s’assurer qu’il remplit le cahier des charges du nouveau projet. Des essais sont réalisés en 1894 dans le Val d’Oise, sur la ligne reliant les gares de Mériel et de l’Isle Adam. Leur objectif est de simuler le parcours, dans les deux sens, du prolongement projeté de 2 430 mètres reliant la gare du Nord aux Halles centrales. La locomotive tracte un train composé du wagon dynanomètre de la Compagnie et du matériel remorqué du Train Métropolitain. Les points où le train d’essai doit faire des arrêts sont indiqués par des poteaux placés sur l’accotement de la voie et portant les noms des stations projetées. [12]
Ces essais aboutissent à la conclusion qu’il paraît possible d’éviter la production de vapeur et de fumée dans les tunnels prévus. Toutefois, le volume des caisses à eau est à peine suffisant, la température de l’eau atteignant 80 à 90 ° C à la sortie de chaque souterrain. [13] Par conséquent, il aurait fallu prévoir sur chaque parcours un arrêt de plusieurs minutes pour vider les caisses à eau puis les remplir à nouveau d’eau froide, ce qui aurait limité la vitesse commerciale. Une contrainte dont ne souffre pas la traction électrique.
Vers un Métropolitain municipal
Le 11 janvier 1895, une discussion animée au Conseil Municipal, où éclate surtout l’affirmation de l’autonomie du chemin de fer métropolitain par rapport aux réseaux des compagnies de chemin de fer, aboutit à une discussion entièrement négative vis-à-vis du projet gouvernemental de 1894. De nouvelles négociations s’ouvrent les mois suivants, qui aboutissent le 22 novembre 1895, par le biais d’une lettre du Ministre des Travaux Publics, à ce que le Gouvernement reconnaisse à la Ville de Paris le droit d’assurer l’exécution, à titre d’intérêt local, du chemin de fer métropolitain. [14]
L’important héritage des projets gouvernementaux
Les trois projets gouvernementaux que nous avons passé en revue nous ont laissé un important héritage dans le domaine des infrastructures infrastructures ferroviaires. Tout d’abord, plusieurs lignes du Métropolitain municipal reprennent des tracés inscrits dans ces projets. Mais surtout, un ensemble de sections ferroviaires urbaines furent construites ou reconstruites entre 1886 et 1900 dans la perspective de réaliser le chemin de fer métropolitain gouvernemental. Il s’agit de :
- La suppression des passages à niveau sur la Petite Ceinture Rive Droite pour intensifier le service circulaire pendant l’Exposition universelle de 1889, qui transforme l’ensemble de la boucle en une ligne urbaine considérée comme « un premier circuit de métropolitain » par Jean-Charles Adolphe Alphand ;
- La mise en service en 1893 d’un double-raccordement entre les voies de la gare du Nord et celles de la Petite Ceinture, en préparation de la construction des lignes souterraines de pénétration proposée par la Compagnie du Nord dans le cadre du projet de 1890 ;
- La mise en service en 1895 du prolongement souterrain de la ligne de Sceaux depuis la place Denfert-Rochereau jusqu’à l’actuelle station Luxembourg du RER B ;
- La mise en service pour l’Exposition universelle de 1889 de la ligne reliant la gare Saint-Lazare au Champ-de-Mars par la banlieue, dite ligne des Moulineaux, puis son prolongement jusqu’à l’esplanade des Invalides pour l’Exposition de 1900 ;
- Enfin, la mise en service de la ligne de Courcelles au Champ-de-Mars pour l’Exposition de 1900.
Le patrimoine de ces lignes témoigne encore aujourd’hui de la manière dont un chemin de fer métropolitain était conçu au XIXe siècle jusqu’au milieu des années 1890.
Enfin, comme le Métropolitain municipal, contrairement aux trois projets gouvernementaux, n’intègre pas la Petite Ceinture, sa mise en service joue un rôle important dans l’évolution du service circulaire durant la première décennie du XXe siècle. Cette évolution est décrite dans le prochain épisode.
Aller plus loin
- Prochain épisode : des services complémentaires ou concurrents ?
- Épisode précédent : le Train Métropolitain de la Compagnie du Nord.
- Cet article est un extrait de celui publié dans le numéro 4 de la revue Histoire Ferroviaire en décembre 2024, et consacré au Train Métropolitain de la Compagnie du Nord. Cliquer ici pour découvrir cette revue.
[1] Le Temps, édition du 25 juillet 1891, page 4.
[2] Le Métropolitain, Journal des transports, n°4 du 23 janvier 1892, page 39.
[3] Cottereau Alain, Les batailles pour la création du Métro : un choix de mode de vie, un succès pour la démocratie locale, Revue d’histoire du XIXe siècle, 29 | 2004, page 109. https://doi.org/10.4000/rh19.702
[4] Sur le site Gallica de la Bibliothèque Nationale de France, l’article intitulé « Construction du raccordement de la gare de Paris-Nord avec la Petite Ceinture », publié dans le numéro de juillet 1893 de la Revue Générale des Chemins de fer, pp 4-17, planches I à VI.
[5] Godfernaux R., Ouverture des raccordements de la gare du Nord avec le chemin de fer de Petite Ceinture vers Courcelles et vers la Rapée-Bercy, Le Génie Civil, page 220, 5 août 1893.
[6] L’Exposition universelle de 1900 et les moyens de transport, Journal des transports, n°47 du 25 novembre 1893, pages 558-559.
[7] Hervieu Jules, Le chemin de fer métropolitain municipal de Paris, Préface de Fulgence Bienvenüe, page V, Librairie polytechnique Ch. Béranger, Paris, 1903.
[8] Le Temps, édition du 5 janvier 1895, page 3.
[9] Le Temps, édition du 11 janvier 1895, page 1.
[10] Le Matin, édition du 13 octobre 1894, page 2.
[11] Le Journal des Transports, 13 octobre 1894, page 485.
[12] Chemin de fer du Nord. Circulaire série train n°272. Train spécial entre Paris et Beaumont et retour, par Méry. 5 juillet 1894. Centre des Archives du Monde du Travail, série 202 AQ.
[13] Chemin de fer du Nord. Essais d’un type de machine de la Compagnie du Nord, destiné aux lignes métropolitaines. Rapport de l’Ingénieur des Mines Pellé. 15 novembre 1894. Centre des Archives du Monde du Travail, série 202 AQ.
[14] Hervieu Jules, Le chemin de fer métropolitain municipal de Paris, Préface de Fulgence Bienvenüe, pages I-VI, Librairie polytechnique Ch. Béranger, Paris, 1903.
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