La desserte voyageurs de l’Exposition universelle de 1900 depuis la Petite Ceinture

Services urbains et trains de plaisir


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Le succès de l’Exposition de 1900 nécessite une desserte ferroviaire conséquente. La gare terminus du Champ-de-Mars est agrandie, des lignes construites et des gares parisiennes réaménagées, afin de relier le Champ-de-Mars aux gares de Paris-Saint-Lazare et de Paris-Nord, ainsi qu’aux stations de la Petite Ceinture et de la ligne d’Auteuil. Des trains urbains composés de matériels du Chemin de fer de Ceinture et des compagnies de l’Ouest et du Nord desservent la gare terminus, ainsi que des trains de plaisir de la Compagnie du Nord. Voici l’étude de ces travaux et de ces trains.

Ce texte et ces illustrations sont extraits d’un article de 22 pages publié en 2023 dans le numéro 1 de la revue Histoire Ferroviaire. Pour vous procurer cette revue, cliquer sur ce lien.

Un train quitte la gare du Champ-de-Mars pendant l'Exposition de 1889
Un train quitte la gare du Champ-de-Mars pendant l’Exposition de 1889
Il est tracté par une locomotive 120 T Ouest dite « Bicyclette » et composé de nombreuses voitures à impériale ouverte. Vue prise au niveau de la passerelle de Passy, aujourd’hui remplacée par le pont de Bir-Hakeim qui supporte le viaduc du métro aérien.
Cliché DR, collection Bruno Bretelle.

 Les services urbains de voyageurs de l’Exposition

Carte montrant l'emplacement de l'Exposition et les lignes de chemin de fer la desservant
Carte montrant l’emplacement de l’Exposition et les lignes de chemin de fer la desservant
La ligne des Moulineaux, la ligne d’Auteuil et la Petite Ceinture sont représentées par un trait plein. La ligne de Courcelles au Champ-de-Mars et la ligne des Invalides sont représentées par un trait hachuré. Le Génie Civil, 2 juin 1900.
Source gallica.bnf.fr / BnF

La question de la desserte voyageurs du Champ-de-Mars est cruciale pour les organisateurs de l’Exposition, car elle conditionne le succès économique de celle-ci. Il faut notamment permettre à de nombreux visiteurs d’assister aux évènements organisés (fêtes, concerts, défilés, illuminations, feux d’artifices, etc.), afin que les recettes soient suffisantes.

En 1893, la Commission préparatoire de l’Exposition de 1900, qui attend des chiffres de fréquentation supérieurs à ceux de l’Exposition de 1889, reconnaît le rôle prépondérant joué par le chemin de fer pour le transport des personnes : « Quelles que fussent les dispositions adoptées par les entreprises de tramways, d’omnibus, de voitures et de bateaux à vapeur, ces entreprises ne desserviraient jamais qu’une circulation restreinte. L’essentiel était d’avoir un ensemble de voies ferrées convergeant des quartiers excentriques de Paris vers l’emplacement de l’Exposition ». Autrement dit, il est nécessaire de renforcer la desserte de la gare terminus du Champ-de-Mars depuis la boucle ferroviaire constituée dans Paris par la ligne d’Auteuil à l’ouest et la Petite Ceinture au nord, à l’est et au sud. Deux types de projets sont lancés afin d’atteindre cet objectif : la construction de nouvelles infrastructures et l’augmentation du nombre de trains, notamment circulaires, desservant la gare du Champ-de-Mars.

Concernant la construction de nouvelles infrastructures, la Compagnie de l’Ouest, qui exploite la gare du Champ-de-Mars depuis sa création en 1867, ouvre deux nouvelles lignes : la ligne des Invalides à Versailles-Rive Gauche et la ligne de Courcelles au Champ-de-Mars.

Construction de la gare de passage du Champ-de-Mars sur la ligne des Invalides en avril 1899
Construction de la gare de passage du Champ-de-Mars sur la ligne des Invalides en avril 1899
Cliché Albert Brichaut, collection Paris Musées / Musée Carnavalet, réf. PH42484.
Paris Musées

Parallèlement, le Chemin de fer de Ceinture, la Compagnies de l’Ouest et a Compagnie du Nord, qui collaborent depuis plusieurs années sur l’exploitation des trains circulaires (depuis 1869 pour la Compagnie de l’Ouest et depuis 1893 pour la Compagnie du Nord), préparent des services spéciaux sur l’Exposition et étudient les besoins en matériel roulant de ces services. Cliquer ici pour découvrir le matériel roulant des trains de voyageurs de la Petite Ceinture.

Carte des parcours des services urbains et des trains de plaisir desservant l'Exposition de 1900.
Carte des parcours des services urbains et des trains de plaisir desservant l’Exposition de 1900.
Infographie Bruno Bretelle.
Affiche de la Compagnie de l'Ouest vantant les services Ouest, Nord et Ceinture sur l'Exposition de 1900 au Champ-de-Mars
Affiche de la Compagnie de l’Ouest vantant les services Ouest, Nord et Ceinture sur l’Exposition de 1900 au Champ-de-Mars
Affiche de Gustave Fraipont, collection Paris Musées / Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, réf. PPAF1.

Pendant l’Exposition, Paris est ainsi dotée d’une gare terminus supplémentaire desservie par cinq services urbains, dont quatre intégralement parisiens. Les fréquences de circulation des trains réguliers de ces différents services sont dans l’ordre [1] :

  • Trains navettes de la ligne des Moulineaux : 1 à l’heure et par sens,
  • Trains circulaires en provenance et à destination de la gare du Champ-de-Mars : 2 à l’heure et par sens,
  • Trains navettes entre le Champ-de-Mars et la gare de Paris-Saint-Lazare : 4 trains à l’heure et par sens de l’ouverture à 19 h, puis 2 trains à l’heure et par sens jusqu’à minuit,
  • Trains navettes entre le Champ-de-Mars et la gare de Paris-Nord : 2 trains à l’heure et par sens de 15 h à 20 h et 1 train à l’heure et par sens le reste de la journée,
  • Trains navettes entre le Champ-de-Mars et Bel-Air : 2 trains à l’heure et par sens.

Les dimanches et fêtes, ainsi que pour les évènements organisés le soir en semaine, des trains supplémentaires sont ajoutés selon les besoins.

Au total, entre 7 et 10 trains réguliers circulent chaque heure dans chaque sens entre la gare terminus du Champ-de-Mars et les quartiers périphériques parisiens. Le trafic est encore plus important quand des fêtes sont organisées dans l’enceinte de l’Exposition.

Vue de la gare du Champ-de-Mars prise le dos à Seine, en direction de la Grande roue.
Vue de la gare du Champ-de-Mars prise le dos à Seine, en direction de la Grande roue.
Le train au premier plan assure le service circulaire au départ et à destination du Champ-de-Mars. Celui au second plan le service de navette entre le Champ-de-Mars et la gare de Paris-Nord. Enfin, au fond apparaissent les impériales des voitures d’un train reliant le Champ-de-Mars à la gare Saint-Lazare par Puteaux et la ligne des Moulineaux.
Cliché DR, collection Bruno Bretelle.

Sur les voies de la ligne d’Auteuil et de la Petite Ceinture, les trains qui desservent le Champ-de-Mars côtoient les trains des services de ces deux lignes :

Pendant l'Exposition universelle de 1900, deux trains se croisent dans la tranchée du boulevard Pereire qui vient d'être mise à quatre voies.
Pendant l’Exposition universelle de 1900, deux trains se croisent dans la tranchée du boulevard Pereire qui vient d’être mise à quatre voies.
Ces trains assurent le service circulaire spécial de l’Exposition ayant la gare terminus du Champ-de-Mars comme point de départ et d’arrivée. Au fond, la place Pereire et le bâtiment de l’actuelle station Pereire-Levallois du RER C.
Cliché DR, collection Bruno Bretelle.

Les trains navettes circulant entre Champ-de-Mars et Bel-Air ne desservent ni la station Bel-Air de la ligne de Vincennes, ni la station Bel-Air-Ceinture de la Petite Ceinture, mais une station provisoire installée à proximité des deux précédentes, entre les rues Rottembourg et de Montempoivre, sur le raccordement de Bel-Air qui relie ces deux lignes. L’emplacement de cette station est occupé aujourd’hui par le square Charles Péguy.

Affiche de la Compagnie du Nord vantant ses trains de plaisir sur l'Exposition.
Affiche de la Compagnie du Nord vantant ses trains de plaisir sur l’Exposition.
Affiche de Gustave Fraipont

 Les trains de plaisir de la Compagnie du Nord

Parallèlement aux trains des services urbains, des trains de plaisir ou d’excursion desservant la gare terminus du Champ-de-Mars sont mis en circulation par la Compagnie du Nord. L’objectif de ces trains est de permettre à des visiteurs originaire de l’extérieur de l’Île-de-France d’accéder directement à l’Exposition, d’y passer la journée puis de repartir le soir. Le quotidien Gil Blas, dans son édition du 27 mai 1900, relate ainsi l’arrivée à bord de l’un de ces trains de 2000 ouvriers anglais partis de Manchester et transitant par Calais.

À leur arrivée sur Paris, pour rejoindre le Champ-de-Mars depuis les voies de la Compagnie du Nord, ces trains empruntent le pont ferroviaire de la porte de la Chapelle pour rejoindre la Petite Ceinture à la hauteur de la gare aux marchandises d’Aubervilliers. Cette gare était située à l’emplacement du parvis de l’actuelle station Rosa Parks du RER E, près de la halte d’Est-Ceinture. Ils parcourent ensuite l’est et le sud de Paris. Arrivés à la gare terminus du Champ-de-Mars, ces trains stationnent donc sur les voies affectées aux trains desservant la rive gauche.

 Les installations de la gare terminus du Champ-de-Mars

Vue des gares du Champ-de-Mars depuis la Tour Eiffel pendant l'Exposition de 1900
Vue des gares voyageurs du Champ-de-Mars pendant l’Exposition de 1900
Vue prise depuis la Tour Eiffel. Tandis que sur la gauche, la gare terminus accueille des trains à vapeur, à droite une navette électrique stationne dans la gare de passage. Les bâtiments du Panorama Transatlantique, du Maréorama et du Globe céleste dominent les deux gares.
Cliché DR, collection Bruno Bretelle.

La gare terminus occupe un triangle délimité par l’avenue de Suffren au nord, du côté de la Tour Eiffel, le quai d’Orsay (aujourd’hui le quai Jacques Chirac) à l’ouest, du côté de la Seine, et l’actuelle rue Jean Rey. Sa surface est aujourd’hui occupée par le stade et la piscine Émile Anthoine.

Entrée de la gare terminus du Champ-de-Mars pendant l'Exposition de 1900
Entrée de la gare terminus du Champ-de-Mars pendant l’Exposition de 1900
Vue de la halle des voyageurs localisée avenue de Suffren, au pied du Globe céleste. La mention Paris-St Lazare indique que cette entrée permet d’accéder aux quais d’où partent les trains vers la gare Saint-Lazare. les kiosques vitrés hébergent les bureaux de vente des billets.
Cliché DR, collection Bruno Bretelle.

La gare de 1889, qui possède quatre voies à quai, est agrandie afin d’accueillir 20 voies à quai. Le bâtiment des voyageurs est transféré à Asnières en 1897 afin de laisser la place aux installations de la nouvelle gare et à l’attraction du Globe céleste. Il est aujourd’hui classé à l’Inventaire des Monuments Historiques et attend une réhabilitation. Il est remplacé par un vaste halle en bois, large de 10 m et longue de 175 m, construite le long l’avenue de Suffren, c’est-à-dire perpendiculairement à la Seine.

Plan des installations de la gare terminus du Champ-de-Mars
Plan des installations de la gare terminus du Champ-de-Mars
L’observation minutieuse des photographies de la gare pendant l’Exposition montre quelques légères différences dans le plan des voie, sans conséquence sur la compréhension de l’ensemble. Plan tiré du Génie Civil.
Source gallica.bnf.fr / BnF

Selon la revue Le Génie Civil [2] : « Les 20 quais à voyageurs sont donc divisés en deux groupes dont le plus important, composé de 12 quais, est celui qui dessert la direction de la Ceinture rive droite et les gares Saint-Lazare et du Nord. Pour ce seul groupe on a prévu, dans chaque sens, 335 trains par jour pouvant transporter 70 000 voyageurs. Pour le deuxième groupe on a prévu 224 trains par jour pouvant transporter 25 000 voyageurs.

C’est donc un total de 95 000 voyageurs que la gare du Champ-de-Mars peut recevoir et expédier par jour en service ordinaire. Mais dans les moments où il y a nécessité à évacuer la foule le plus rapidement possible, ce service peut être notablement augmenté et on estime que le soir, lors des fêtes de nuit, le groupe Saint-Lazare pourra enlever 20 000 voyageurs à l’heure en faisant partir les trains toutes les 3 minutes. À cette heure-là, la ligne d’Auteuil, qui est commune avec celle de Courcelles-Champ-de-Mars entre Courcelles et la gare Saint-Lazare, sera en effet débarrassée, en grande partie, du trafic si intense qu’elle dessert pendant l’après-midi des jours de fête. »

Vue panoramique des voies de la gare du Champ-de-Mars prise en direction de la Tour Eiffel
Vue panoramique des voies de la gare du Champ-de-Mars prise en direction de la Tour Eiffel
Cette vue montre principalement des matériels de la Compagnie de l’Ouest. La barre horizontale grise est le toit de la halle de la gare qui longe l’avenue de Suffren.
Cliché DR, collection Bruno Bretelle.

L’ouverture des services urbains desservant la gare terminus du Champ-de-Mars est progressive,
car alors que l’Exposition ouvre au public le 15 avril 1900, la gare terminus du Champ-de-Mars est utilisée jusqu’au 16 mai pour les dernières livraisons d’objets à exposer. Durant cette période, seuls les trains navettes
au départ ou à destination de la gare de Paris-Saint-Lazare desservent le Champ-de-Mars. Des trains de marchandises et de voyageurs se côtoient donc sur les emprises de la gare terminus. Les autres services urbains démarrent le 17 mai 1900.

La gare du Champs de Mars durant l'Exposition Universelle de 1900
La gare du Champs de Mars durant l’Exposition Universelle de 1900
À gauche, les trains de la Compagnie de l’Ouest assurant la navette avec la gare Saint-Lazare. Au centre et à droite, les trains de la navette avec la gare du Nord et du service circulaire.
Vue des voies de la gare du Champ-de-Mars prise en direction du Globe céleste
Vue des voies de la gare du Champ-de-Mars prise en direction du Globe céleste
Au fond, les voitures à impériale fermée de la Compagnie de l’Ouest assurant la navette de la gare Saint Lazare. Au premier plan, les rames assurant le service circulaire au départ et à l’arrivée de la gare du Champ-de-Mars. Vue prise le 10 août 1900 depuis le quai situé entre les voies 9 et 10.
Cliché DR, collection Bruno Bretelle.

En plus des voies de la gare terminus, une partie de la gare de passage du Champ-de-Mars, c’est à dire l’actuelle station du RER C, est utilisée pour accueillir les trains navettes Champ-de-Mars - Paris-Saint-Lazare. L’autre partie de cette gare de passage est utilisée par les trains électriques assurant la navette entre le Champ-de-Mars, le Pont de l’Alma et la gare des Invalides. Le parcours de cette navette est intégralement contenu dans le périmètre de l’Exposition.

La station du Pont de l'Alma pendant l'Exposition universelle de 1900
La station du Pont de l’Alma pendant l’Exposition universelle de 1900
Cette station est desservie pendant l’Exposition par la navette électrique circulant entre le Champ-de-Mars et les Invalides. Au fond, le Vieux Paris.
Cliché DR, collection Bruno Bretelle.
Horaires et tarifs de la navette Saint Lazare-Champs de Mars pendant l'Exposition de 1900
Horaires et tarifs de la navette Saint Lazare-Champs de Mars pendant l’Exposition de 1900

 Incidence sur l’exploitation des grandes gares parisiennes

En 1896, la Compagnie du Nord entreprend des travaux d’agrandissement de la gare de Paris-Nord, à l’angle de la rue du Faubourg Saint-Denis et de la rue de Dunkerque, afin de créer une annexe dédiée aux trains parcourant la Petite Ceinture et aux trains-tramways desservant les communes de Saint-Denis et de Saint-Ouen. Cette extension a pour principal objectif de préparer l’augmentation du trafic voyageurs prévu pendant l’Exposition de 1900. Elle porte le nombre de voies disponibles pour les trains parcourant la Petite Ceinture de deux à quatre afin de permettre quatre départs à l’heure et dans chaque sens (horaire et antihoraire) au lieu de deux. [3] Lire notre article sur le service circulaire de la Compagnie du Nord pour plus de détails.

Annexe de la gare de Paris-Nord au début du XXe siècle
Annexe de la gare de Paris-Nord au début du XXe siècle
La porte de gauche est surmontée de la mention : Trains de Ceinture - et permet d’accéder aux trains du service circulaire Nord.
Collection Bruno Bretelle. DR.

Enfin, l’Exposition provoque un accroissement du trafic des voyageurs grandes lignes des gares terminus parisiennes, qui se traduit par un meilleur taux de remplissage des trains mais aussi par la mise en circulation de trains supplémentaires, comme des trains de plaisir. Cet accroissement n’est pas sans conséquence sur le trafic régulier de gares déjà encombrées, comme le montre pour le cas de la gare de Paris-Saint-Lazare un article publié dans l’édition du quotidien Le matin du 6 octobre 1900. L’afflux de visiteurs de Grande Bretagne et d’Amérique du Nord y provoque une hausse du nombre de trains transmanches et transatlantiques, au détriment des trains de banlieue, provoquant ainsi les protestations des usagers de ces trains du quotidien.

Affiche de la Compagnie de l'Ouest vantant son service transmanche
Affiche de la Compagnie de l’Ouest vantant son service transmanche
La Compagnie de l’Ouest exploite le fait qu’elle possède « les seules gares dans l’Exposition même » : les gares des Invalides et du Champ-de-Mars – comme argument pour mettre en valeur la relation Paris-Londres par la gare Saint-Lazare.
Affiche de Lem, collection Bibliothèque Forney, réf. AF 150253 MF

 1900, année charnière dans l’histoire des chemins de fer urbains

Train au départ de la gare de passage du Champ-de-Mars à destination de la gare de Paris-Saint-Lazare
Train au départ de la gare de passage du Champ-de-Mars à destination de la gare de Paris-Saint-Lazare
La locomotive est une 120 T Ouest dite « Bicyclette ». Elle porte une plaque indicatrice de destination « St Lazare »
Cliché DR, collection Bruno Bretelle.

Selon le rapport général administratif et technique de l’Exposition, le succès de la desserte ferroviaire du Champ-de-Mars est au rendez-vous : « La gare du Champ-de-Mars et celle des Invalides ont reçu ou expédié plus de 10 millions de voyageurs. En 1889, le nombre correspondant, pour la gare du Champ-de-Mars, n’avait été que de 3 640 000. » [4]

Sur l’ensemble des lignes utilisées pour desservir l’Exposition : la ligne d’Auteuil, la Petite Ceinture, la ligne de Courcelles au Champ-de-Mars, la ligne des Moulineaux et la navette Champ-de-Mars – Invalides - plus de 56 millions de voyageurs sont transportés. Un chiffre supérieur à celui de 1889. Cette année-là, la Petite Ceinture et l’embranchement du Champ-de-Mars avaient transporté 31 millions de voyageurs. La Petite Ceinture connaît de son côté, grâce à l’Exposition, le pic de fréquentation de toute l’histoire des trains circulaires, avec 39 millions de voyageurs transportés dans l’année.

Ces chiffres, compte tenu du fait que sont utilisés la traction vapeur et la signalisation mécanique, sont remarquables. Mais l’Exposition marque à la fois le triomphe et le début de la fin de l’usage de ce mode de traction pour des services urbains dans Paris, face à l’arrivée du tout jeune Métropolitain électrique.
Les chiffres de fréquentation du Métro sont en effet éloquents. Toujours selon le rapport de l’Exposition : « La ligne Porte de Vincennes-Porte Maillot fut livrée à l’exploitation le 19 juillet 1900, mais sans être encore pourvue de toutes ses stations, dont l’ouverture s’échelonna à des dates diverses jusqu’au 1er septembre . Une seconde ligne de l’Étoile au Trocadéro s’ajouta à la première le 2 octobre. » Rappelons que l’Exposition ouvre le 15 avril et ferme le 12 novembre 1900. Par conséquent, la première ligne du Métropolitain ouvre trois mois après la desserte voyageurs du Champ-de-Mars et des Invalides, mais celui-ci parvient à transporter du 19 juillet au 12 novembre plus de 10 millions de voyageurs, soit autant que les gares du Champ-de-Mars et des Invalides sur une durée plus longue.

La gare de Grenelle du chemin de fer électrique des Invalides au pied du viaduc d'Auteuil
La gare de Grenelle du chemin de fer électrique des Invalides au pied du viaduc d’Auteuil
Le bâtiment voyageurs a été démoli vers 1960, lors de la démolition du viaduc d’Auteuil et de la construction de l’échangeur routier du pont du Garigliano.
Cliché DR, collection Bruno Bretelle.

Face aux avantages apportés par la traction électrique pour l’exploitation de services urbains, comme l’augmentation de la vitesse commerciale, les compagnies de chemin de fer se doivent de réagir. D’autant plus que le Métropolitain, dont l’exploitation leur a échappé, est en passe de devenir un concurrent redoutable pour les lignes parisiennes que sont la ligne d’Auteuil, la Petite Ceinture et la récente ligne de Courcelles au Champ-de-Mars. L’étude lancée au lendemain de la clôture de l’Exposition sur l’électrification de la Petite Ceinture, afin d’intensifier le service des trains circulaires, témoigne de l’intérêt des ingénieurs pour ce nouveau mode de traction. Mais ce projet n’est pas mis en œuvre à cause de son coût trop élevé et de la diminution du nombre de trains de marchandises, plus lucratifs pour les compagnies que les trains circulaires, qu’il aurait entraîné.
 [5]

Automotrice de la Compagnie de l'Ouest préservée à la Cité du Train
Automotrice de la Compagnie de l’Ouest préservée à la Cité du Train
Cette automotrice a circulé sur la ligne des Invalides à Versailles-Rive Gauche.

De son côté, la Compagnie de l’Ouest a su pendant l’Exposition jouer un rôle déterminant dans le succès de l’exploitation de la gare terminus du Champ-de-Mars, au moyen de la traction vapeur, et simultanément ouvrir la voie de l’application de la traction électrique au chemin de fer d’intérêt général urbain, en exploitant la navette Champ-de-Mars - Invalides. Le 31 mai 1902, elle généralise l’emploi de la traction électrique à l’intégralité de la ligne des Invalides à Versailles-Rive Gauche. Une nouvelle ère de l’histoire des chemins de fer urbains commence !

 Découvrir la desserte marchandises de l’Exposition

Pour découvrir l’étonnante desserte marchandises de l’Exposition au Champs-de-Mars avec des trains à vapeur, cliquer sur ce lien.


[1Bernard G., Les chemins de fer de ceinture. Une oubliée : la Petite Ceinture, La Vie du Rail, n°1048, 29 mai 1966.

[3Les travaux d’agrandissement de la gare du Nord, dans Le Journal des Transports : revue internationale des chemins de fer, n°51, 19 décembre 1896, page 1003.

[4Picard Alfred, Exposition universelle internationale de 1900 à Paris, Rapport général administratif et technique, Chapitre II – Transport des visiteurs de l’Exposition hors de Paris et dans Paris, tome Sixième, pages 214-216.

[5Lire à ce sujet : Carrière Bruno, La Petite Ceinture et les Expositions, dans Paris et ses chemins de fer, Action artistique de la Ville de Paris, 2003.