Budget participatif 2021 : une sélection des propositions très instructive
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Budget participatif 2021 : une sélection des propositions très instructive
À la mi-août 2021, 27 des 32 propositions concernant la Petite Ceinture déposées au budget participatif 2021 sont rejetées par la Mairie de Paris. Les contraintes juridiques, techniques et budgétaires pour ouvrir des tronçons de la Petite Ceinture au public constituent la principale cause de rejet. Sur la partie budgétaire, la Mairie annonce un programme d’investissement inférieur à celui de la dernière mandature dans un contexte économique difficile.
Le budget participatif 2021 et la Petite Ceinture
Durant l’été 2021, la Mairie de Paris sélectionne parmi les propositions soumises au budget participatif 2021 celles qui sont proposées au vote des Parisiens en septembre 2021. Les résultats de la sélection des propositions relatives à la Petite Ceinture éclairent sur la stratégie de la Mairie de Paris pendant la mandature 2020-2026.
Dans un précédent article, nous avons recensé 32 propositions relatives à la Petite Ceinture, que nous avons regroupées en cinq catégories :
- 17 propositions relatives à l’amélioration de promenades existantes,
- 2 propositions relatives à l’ouverture au public de la totalité de la Petite Ceinture,
- 3 propositions relatives à l’ouverture au public de certaines sections de la Petite Ceinture,
- 7 propositions relatives à la rénovation de sites situés le long de la plate-forme de la ligne,
- Et enfin 3 propositions relatives à la rénovation de ponts-rails.
À la mi-août 2021, sur ces 32 propositions, 27 sont rejetées, soit une proportion de 84 % ! Sept, soit 22% du total, sont certes rejetées car déjà prises en compte dans un précédent budget participatif mais 17, soit 53% du total, le sont à cause des contraintes juridiques, techniques et budgétaires qui pèsent aujourd’hui sur les projets de promenade.
Ce taux d’échec très élevé est la caractéristique majeure du budget participatif 2021 pour les propositions concernant la Petite Ceinture.
Avant d’analyser les causes de refus fournies par la Mairie de Paris, faisons le point sur les propositions acceptées ou en cours de validation.
Propositions acceptées ou en cours de validation
Sur les six propositions non-rejetées, une est encore en cours d’étude. Elle vise à améliorer les conditions de travail des associations « Espaces » et « Études et chantiers » d’insertion qui entretiennent le sud de la Petite Ceinture depuis 2006. [1]
Quant aux cinq autres, elles se répartissent en deux catégories : d’une part deux propositions acceptées, d’autre part trois propositions regroupées ou en atelier d’acceptabilité.
Propositions acceptées
La première de ces deux propositions concerne le bâtiment du numéro 105 de la rue Curial dans le 19e arrondissement, qui a fait l’objet d’un appel à projet de la part de SNCF Immobilier durant l’été 2020. Elle est déposée par le collectif qui a remporté début mai cet appel à projet.
La seconde proposition concerne La Flèche d’Or. Elle est déposée par le collectif qui anime depuis février 2020 ce lieu. La Mairie de Paris, après avoir annoncé durant l’été 2020 entamer des négociations avec l’actuel propriétaire pour racheter le bâtiment, a annoncé début juillet pouvoir le faire à l’automne 2021. Le film ci-dessous présente l’animation actuelle de la Flèche d’Or :
Au travers de l’acceptation de ces deux propositions, la Mairie de Paris utilise le budget participatif pour financer la réhabilitation de deux bâtiments de la Petite Ceinture et y déployer des projets comportant un volet commercial. Ces réhabilitations s’inscrivent dans le programme de valorisation économique mené par SNCF Immobilier et la Mairie de Paris depuis la signature du protocole-cadre de juin 2015.
Propositions en cours de validation
Parmi les trois autres propositions prises en compte, deux sont regroupées avec d’autres propositions :
- La proposition d’installation de supports d’expositions photographiques est « en co-construction », c’est-à-dire selon la définition donnée par la Mairie de Paris, est fusionnée « avec des projets approchants ou complémentaires, afin d’élaborer un projet unique »,
- La proposition d’installation de fontaines à eau est associée à un projet de rénovations de fontaines dans le 15e arrondissement.
La troisième proposition, qui demande l’installation d’un ascenseur sur la promenade du 17e arrondissement est « en atelier d’acceptabilité », c’est-à-dire en discussion entre la mairie du 17e arrondissement et les porteurs de cette proposition.
Propositions rejetées
Les raisons indiquées par la Mairie de Paris pour refuser 27 des 32 propositions soumises peuvent être classées en trois catégories :
- Incompatibilité avec des contraintes budgétaires, techniques ou juridiques (17 propositions sur 27) :
- Incompatibilité avec les contraintes budgétaires d’éligibilité au budget participatif (22%),
- Incompatibilité avec le Programme d’Investissement de la Mandature (19%),
- Incompatibilité avec des contraintes techniques (15%),
- Incompatibilité avec des contraintes juridiques (7%).
- Acceptation dans un précédent budget participatif (7 sur 27, soit 26 %) :
- Enfin, incompatibilité avec de récentes décisions de la Mairie (3 sur 27, soit 11%).
Incompatibilité avec des contraintes budgétaires, techniques ou juridiques
Les propositions rejetées pour non-respect de contraintes budgétaires, techniques ou juridiques représentent 53 % des propositions soumises et 63 % des propositions rejetées. Ces contraintes sont, avec les réhabilitations de bâtiments vues précédemment, au cœur de la stratégie de la Mairie de Paris pour la mandature 2020-2026. En voici le détail.
Incompatibilité avec les contraintes budgétaires d’éligibilité au budget participatif
Six des 27 propositions rejetées (soit 22%) sont rejetées car la Mairie de Paris impose pour le budget participatif 2021 le respect de ces deux contraintes budgétaires [2] :
- « Un projet déposé ne doit pas entraîner de dépenses de fonctionnement trop importantes, sinon il est rejeté,
- Les projets d’aménagement trop lourds ne sont plus retenus au Budget Participatif. »
Ces refus confirment que la Mairie de Paris cherche à minimiser les coûts d’investissement et d’entretien des promenades qu’elle ouvre sur la Petite Ceinture (lire notre article sur le coût d’une promenade sur la Petite Ceinture pour plus d’informations).
Deux propositions sont ainsi rejetées car elles entraîneraient pour la Mairie des dépenses de fonctionnement trop importantes : l’installation de bancs mobiles et de poubelles et l’installation de bacs à compost.
Les quatre autres propositions sont rejetées car elles entraîneraient des travaux qui augmenteraient les coûts d’aménagement des promenades :
- La rénovation du dessous du pont-rail de la rue Vitruve,
- La rénovation du dessous du pont-rail de l’avenue de Saint-Mandé,
- La création d’un accès supplémentaire sur la promenade du 14e arrondissement à la hauteur de l’avenue Jean Moulin. Pour cette proposition, deux motifs de refus supplémentaires sont soulignes par la Mairie de Paris : « L’escalier existant que vous mentionnez sert d’accès de secours, ne pouvant être transformé en accès public. Enfin, la création d’un nouvel escalier nuirait à la préservation de la biodiversité (nécessité d’entailler fortement les talus plantés) »,
- L’amélioration de la piste de la promenade du 12e arrondissement, qui devient boueuse par temps de pluie et qui s’érode avec le temps.
Incompatibilité avec le Programme d’Investissement de la Mandature
Ce motif de refus est sans doute le plus instructif car la Mairie de Paris lève ici un coin du voile sur le programme d’ouverture au public de nouveaux tronçons de promenades sur la Petite Ceinture qu’elle envisage de réaliser d’ici 2026 :
« Un programme d’ouverture au public de nouveaux tronçons de la Petite Ceinture de 6,6 hectares a déjà été élaboré et budgété pour cette mandature. »
Cinq des 27 propositions rejetées (soit 19%) sont ainsi rejetées car la Mairie estime qu’elles n’entrent pas dans le cadre de ce programme :
- Les deux propositions d’aménagement de l’ensemble de la Petite Ceinture en promenade (ici et là),
- La demande de création d’une promenade au sud du 20e arrondissement, entre la rue de Bagnolet et la rue du Volga,
- La demande de création d’un accès à la hauteur de l’avenue Daumesnil pour la promenade du 12e,
- Création d’un skatepark. Une raison supplémentaire donnée par la Mairie est que cette zone n’est pas accessible au public en raison des travaux sur le pont-route à réaliser préalablement (lire notre article pour plus de précisions).
Mais ce programme d’ouverture au public de nouveaux tronçons de la Petite Ceinture rencontre déjà des difficultés de mise en œuvre. Il doit normalement être inclus dans le Programme d’Investissement de la Mandature, comme ce fut le cas durant la mandature 2014-2020 pour l’ouverture de 4,7 kilomètres de promenades. Or la Mairie de Paris a renoncé à présenter son programme d’investissement à la séance du Conseil de Paris de juillet 2021, en raison d’un « manque de visibilité sur le rétablissement de la situation économique ». Les annonces d’investissement se feront donc « au fur et à mesure des projets », ce qui laisse planer le doute sur la liste des tronçons qui seront ouverts et sur leurs dates d’ouverture.
À titre de comparaison avec les 6,6 hectares annoncés, la totalité des espaces ouverts en 2021 représentent 20 hectares et 10 kilomètres de linéaire. Comme nous l’avons analysé dans un précédent article, 7,2 de ces 10 kilomètres sont des promenades ouvertes sur la plate-forme de la ligne, tandis que le reste du linéaire ouvert est constitué de terrasses de café-restaurants, de jardins partagés et autres activités aménagées le long de la plate-forme et des voies. Vous pouvez découvrir ces espaces ouverts grâce à notre carte interactive (cliquer ici pour y accéder).
Le programme d’ouverture au public de nouveaux tronçons annoncé par la Mairie concernerait ainsi un tiers des espaces déjà ouverts en 2021, ce qui, en appliquant le rapport entre la surface de ces espaces et la longueur des promenades déjà ouvertes, représenterait environ 2,4 kilomètres de nouvelles promenades sur la plate-forme de la Petite Ceinture, soit environ la moitié du linéaire ouvert (4,7 kilomètres) durant la mandature 2014-2020. Une longueur équivalente à celle de la High Line de New York, qui reste très insuffisante pour réaliser l’ouverture au public de la totalité de la boucle ferroviaire, malgré un coût d’aménagement très inférieur.
La Mairie justifie également le rejet de ces propositions par le coût élevé de rénovation des ponts métalliques :
« Des diagnostics ont également été menés sur d’autres tronçons, mais ont abouti sur des difficultés techniques, notamment dues à la présence d’ouvrages d’art à réhabiliter, nécessitant des études longues et des budgets conséquents, sortant ainsi du cadre du Budget Participatif. »
Ceci nous amène à aborder les propositions rejetées à cause des contraintes techniques liées à la nature ferroviaire des espaces de la Petite Ceinture et à la présence d’un grand nombre d’ouvrages d’art.
Incompatibilité avec des contraintes techniques
Quatre des 27 propositions rejetées (soit 15%) sont rejetées car les contraintes techniques ou topographiques, inhérentes à la nature ferroviaire de la Petite Ceinture et aux nombreux ouvrages d’art (tranchées, pont-rails, remblais végétalisés, etc.) qui la constituent, empêchent de les réaliser (pour plus d’informations sur ces contraintes, lire cet article).
Par ailleurs, comme conséquence de cette nature ferroviaire, les talus de la Petite Ceinture hébergent une biodiversité qui permet à la ligne d’être classée comme « trame verte » régionale. Le maintien de cette biodiversité limite les aménagements réalisables, particulièrement sur les talus végétalisés.
Les propositions suivantes sont rejetées pour ce motif :
- La promenade Pereire,
- Création d’aires de jeux,
- Plantation d’arbres fruitiers,
- Une proposition d’installation de machines de sport.
Incompatibilité avec des contraintes juridiques
Deux des 27 propositions rejetées (soit environ 7%) sont rejetées car les contraintes juridiques actuelles pesant sur les aménagements sur la Petite Ceinture empêchent de les réaliser.
Plus précisément, la proposition de rénover le dessous du pont-rail de la place Balard est rejetée car la convention de superposition d’affectation signée par la Mairie de Paris et la SNCF pour la section sud, qui permet à la Mairie de réaliser des aménagements sur la Petite Ceinture ne couvre pas la totalité de la largeur de ce pont. Pour plus de détails sur les conventions signées par la SNCF et la Mairie de Pari relatives à la Petite Ceinture, lire cet article.
Quant à la proposition d’exploiter un vélo-rail, elle est rejetée car la Mairie de Paris ne souhaite pas jouer le rôle d’opérateur de vélos-rails ou de trains de découverte sur la Petite Ceinture. Pour plus de détails sur les conditions de circulations de vélos-rails et de trains de découverte sur la Petite Ceinture, lire notre étude.
Acceptation dans un précédent budget participatif
Sept des 27 propositions (soit 26%) sont rejetées parce qu’elles ont déjà été acceptées par la Mairie de Paris dans le cadre d’un précédent budget participatif :
- Poursuivre l’ouverture de la Petite Ceinture. » :
- Le projet d’aménagement de la section de la Petite Ceinture comprise entre les deux courtes promenades ouvertes dans le 19e arrondissement en 2019, pour les piétons et les cyclistes,
- Le projet d’ouverture au public du tunnel de Vaugirard,
- L’extension du jardin de la gare de Charonne sur une surlargeur de la Petite Ceinture
- Création de bibliothèques partagées
- Hébergement d’urgence pour des sans-abris dans des voitures ferroviaires
- Animation d’une ludothèque sur rail.
Les budgets participatifs 2015, 2018 et 2019 comportent déjà des projets concernant la Petite Ceinture. Le projet voté en 2015 est intégralement réalisé, tandis que celui voté en 2018 est en cours de réalisation et celui voté 2019 en phase d’étude et de conception (pour plus d’informations sur ces projets, lire cet article).
Incompatibilité avec de récentes décisions de la Mairie
Trois des 27 propositions rejetées (soit environ 11%) sont rejetées car elles sont incompatibles avec des décisions récemment prises par la Mairie de Paris.
La proposition concernant le bâtiment du numéro 1 de la rue Florian dans le 20e arrondissement est rejetée car soumise par l’un des collectifs n’ayant pas remporté l’appel à projet lancé par la SNCF et pour lequel la Mairie de Paris faisait partie du jury de sélection.
Enfin, deux propositions visant à installer des panneaux sur le parcours des promenades ouvertes dont refusées car « La Ville de Paris est en cours de réflexion autour d’une potentielle refonte globale de sa signalétique et n’est donc pas favorable à mettre en œuvre des parcours sportifs ou culturels pour le moment. » :
- Pose de panneaux d’information sur l’histoire, le patrimoine, les paysages et le tracé de la Petite Ceinture,
- Création d’« un balisage unifié, clair, et visible qui suivrait le tracé de la Petite Ceinture le long de ses 32 km afin de permettre aux promeneurs de le suivre à travers la ville, y compris lorsqu’on perd les rails de vue (parce qu’il passent dans un tunnel) ».
Un budget participatif 2021 sous le signe de l’incertitude
La sélection par la Mairie de Paris des propositions soumises au budget participatif pour le vote prévu en septembre 2021 confirme que l’ouverture de promenades sur la Petite Ceinture est sujette à de fortes contraintes juridiques, techniques ou budgétaires, qui réduisent le nombre et la longueur des sections ouvrables au public : 53% des propositions soumises sont rejetées à cause de ces contraintes.
L’impact de la contrainte budgétaire est renforcé par la forte dégradation du budget municipal dans un contexte de crise sanitaire et de ralentissement économique. Conséquence de cette dégradation, le Programme d’Investissement de la Mandature, dont fait partie le programme d’ouverture de nouvelles promenades d’ici 2026, n’est toujours pas annoncé mi-août 2021, plus d’un an après le début de la mandature.
Est-ce la conséquence de ces difficultés économiques ? Au travers de cette sélection, la Mairie de Paris réalise un changement de stratégie en abandonnant le financement de nouvelles promenades par le budget participatif, comme ce fut le cas pour les budget participatifs 2015, 2018 et 2019, au profit du second volet de son programme pour la Petite Ceinture : la valorisation économique. Les deux seules propositions acceptées mi-août 2021 visent à financer des projets de réhabilitation de bâtiments déjà engagés par la Mairie de Paris pour l’un, et par la SNCF en accord avec la Mairie pour l’autre, pour y déployer des projets comportant un volet commercial.
Enfin, le rejet de 84% des propositions soumises pose question sur l’organisation du budget participatif par la Mairie de Paris. Quel est l’intérêt de cet exercice si les actions en cours et les contraintes juridiques, techniques et budgétaires pesant sur les aménagements de promenade sur la Petite Ceinture sont insuffisamment, voire pas du tout, communiquées au grand public ? À l’heure où cet article est publié, ni la page la plus récente consacrée à la Petite Ceinture sur le site de la Mairie de Paris, dont la dernière mise à jour date du 23 novembre 2020, qui célèbre les charmes des promenades déjà ouvertes, ni la page page consacrée à l’histoire de la Petite Ceinture et à la genèse des projets de la Mairie, mise à jour pour la dernière le 7 novembre 2018, n’évoquent ces actions et ces contraintes.
[1] Finalement, cette proposition est rejetée le 27 août 2021, sous le prétexte que « dans le cadre des discussions sur le prolongement de la ligne 14 au sud de Paris, il est souhaité qu’une liaison piétonne “confortable, apaisée et sécurisée” soit assurée entre la gare de Maison Blanche et le quartier de la place de Rungis, via la Petite Ceinture et/ou l’espace public, aux horaires de fermeture de la Petite Ceinture notamment La pérennisation de la base-vie de ces associations pourra ainsi être revue dans ce cadre ».